Biblioremix, changer le monde en commençant par ma bibliothèque

Après presque 7 ans à faire des Biblioremix et pas loin de 80 réalisés, il me semblait intéressant de revenir sur ce que c’est, à quoi ça sert, pourquoi ce n’est pas de la foutaise ambiance start-up nation horrible. Surtout, en quoi ça peut réellement changer en profondeur notre manière de penser notre métier et nous donner un sentiment enivrant de puissance professionnelle. Oui, rien que ça.

Ca s’annonce un article fleuve, je le découperai donc en plusieurs parties qui seront les suivantes :

  • Biblioremix, changer le monde en commençant par ma bibliothèque
  • Le Biblioremix, les sujets qui fâchent
  • Le comment ? – Première partie : l’exploration
  • Le retour du : comment ? – Deuxième partie : la définition et le prototypage
  • Des exemples de projets nés des Biblioremix et comment concrétiser nos travaux.

On se lance donc dans la première partie,

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Le Biblioremix, qu’est-ce que c’est et à quoi ça sert ?

Tout d’abord, un petit historique.

Le Biblioremix naît au début des années 2010, porté par un trinôme de bretons qu’on remercie fortement : Léa Lacroix, Benoît Vallauri et Éric Pichard. L’idée est au départ de proposer un outil de développement de projets innovants en bibliothèque, inspiré du Design Thinking et de son grand frère, le Muséomix, et qui permette de fédérer le réseau des bibliothèques bretonnes.

La méthode essaime, se multiplie, et rapidement, fleurissent les Remix dans toute la France. Cette méthode évolue au fur et à mesure qu’elle se répand et il est important de préciser que ce dont je vais vous parler n’est pas LE Biblioremix, mais une manière, la mienne, de le faire. De plus, par son caractère de boîte à outils du développement de projets, vous êtes libre de vous en emparer, de le bidouiller et de vous l’approprier par la suite en l’appelant Biblioremix, Cake au citron ou Jean-Philippe si vous le souhaitez.

Vous vous demandez donc, car vous êtes taquin·e : si n’importe quoi peut être un remix, est-ce que c’est vraiment un vrai bidule ?

Oui. Promis. Si on devait résumer ce qui fait un Remix dans les grandes largeurs on dirait que :

  • C’est un dispositif permettant de produire de l’innovation en bibliothèque
  • Ce dispositif utilise l’intelligence collective pour arriver à ses fins, et utilise des outils pour faciliter la créativité et une juste répartition de la parole
  • L’atmosphère doit être ludique, et propice à inclure des gens ne venant pas seulement des bibliothèques mais aussi des usager·es, des bidouilleurs·ses divers et varié·es, etc
  • On fonctionne en mettant la créativité avant la contrainte – On voit les choses en grand avant de les élaguer avec le réel.
  • Les projets sont centrés sur l’expérience qu’en fera l’utilisateur·ice futur·e, et on met fortement l’accent sur cette notion d’empathie avec l’usager·e.

Bref, pour le résumer rapidement, le Biblioremix est une méthode inspirée d’outils créatifs pour créer des projets innovants avec la participation de notre public, dans une ambiance ludique.

Bibliothécaires parisien·nes pas encore forcément très au point sur la méthode mais travaillant déjà intensément l’ambiance ludique – Photo prise avant notre premier Biblioremix parisien en 2014.

Pourquoi faire un Biblioremix dans ma bibliothèque ?

  • Parce que nous sommes en train de repenser notre bibliothèque, et que nous cherchons un outil pour nous aider à produire de l’innovation.

Ici, le Biblioremix pourra apporter un cadre de confiance, des outils pour aider à trouver ces idées innovantes et, en étant ludique, créer un sentiment fédérateur dans l’équipe autour des projets. Avoir un « canevas » encore vierge ou presque est parfait, et le biblioremix est un excellent outil pour commencer à créer sur du vide, et permet de questionner ces possibilités sous l’angle de nos envies et de nos ambitions au lieu de partir des contraintes de l’existant.

  • Parce que nous avons une problématique complexe identifiée, et que nous cherchons des solutions qui sortent des sentiers battus.

On peut tout à fait utiliser le Biblioremix pour solutionner un problème. Seul critère : que cette problématique soit identifiée et fasse l’objet d’un consensus parmi les participant·e·s. Dans ce cadre-là, on peut tout à fait orienter les phases d’idéation, celles où les participant·e·s  proposent des tonnes d’idées encore peu construites, afin de les diriger dans le sens de la problématique. Vous souhaitez travailler cet espace jeu que vous êtes en train de construire ? Nous pouvons profiter du brainstorming pour faire le tour de nos pratiques de jeux respectives, le projet de jeu le plus fou à faire en bibliothèque et ce qu’on aurait aimé trouver adolescent·e dans un espace jeu, etc.

  • Parce que nous voulons passer un chouette moment en équipe à explorer des projets fous en nous libérant des contraintes du quotidien.

C’est bien sûr un luxe que de pouvoir se dire en équipe que nous souhaitons passer une journée entière à se faire plaisir ensemble autour de projets ambitieux dans une atmosphère ludique. Mais si on a cette chance, le Biblioremix est un superbe outil pour fédérer une équipe, (re)découvrir que nos collègues sont des gens capables de produire des choses belles et ambitieuses, et que dès qu’on sort de nos problématiques du quotidien qui peuvent vite nous transformer en crocodiles, on reste une équipe soudée remplie de gens compétents et volontaires.

J’espère que je vous ai vendu du rêve ? Chose intéressante, chacune de ces raisons possède son double maléfique, qu’on va  explorer ensemble.

Pourquoi ne pas faire un Biblioremix dans ma bibliothèque ?

  • Parce que j’ai un problème difficile et non complexe

Celle-ci implique de se poser la question de la différence entre les deux. Le difficile, c’est ce qui n’est pas facile, ce qui demande de la compétence bête et méchante. Le complexe, c’est ce qui renvoie à des choses imbriquées entre elles, faites d’éléments nombreux et durs à saisir.

En somme, une opération à cœur ouvert, c’est difficile, c’est de nombreuses années d’études et de préparation, avec un enjeu très lourd en cas d’échec. Créer une salle sur demande que tout le monde pourrait réserver à la bibliothèque, c’est complexe. Ça implique de nombreux acteurs différents, des règles communes, des idées de décorations, d’encadrement, etc.

Le Biblioremix est parfait pour faire face à des sujets complexes, il n’a aucun intérêt pour des sujets difficiles, et infliger à tout le monde, par exemple, une journée de Remix pour créer des projets grâce à un outil sur lequel un seul membre de l’équipe est compétent et qui demande des années de formation pour être pris en main, n’aurait aucun sens.

Chose intéressante à noter à ce sujet : l’écrasante majorité de nos problématiques en bibliothèques sont complexes et pas difficiles, et c’est souvent un grand biais cognitif que de voir de la difficulté là où il y’a de la complexité.

  • Parce que je cherche juste à créer du consensus

Celui-ci est un grand classique. Un des meilleurs moyens de transformer un Biblioremix en un outil horrible de manipulation est d’essayer de faire valider un projet déjà pensé au préalable en essayant de le reconstruire en équipe dans un Biblioremix. Dans le meilleur des cas, quelque chose de tout autre naît à la place et vous vous sentez bête, dans le pire des cas les gens s’en rendent compte et vous passez pour quelqu’un de très manipulateur.

  • Parce que je suis dans un environnement professionnel toxique

Oui, le terme de toxique est très chargé, mais c’est important de l’aborder. Si vous êtes dans une recherche d’un moment de convivialité en équipe, c’est un bel outil. Si vous cherchez un moyen de mettre sous le tapis des problématiques d’équipe extrêmement lourdes et pesantes, ça ne marchera pas. Pour le dire plus clairement : S’il s’agit de se remotiver ensemble, c’est cool. Si votre collègue Philippe est un harceleur ou que Lucas pense les rapports interpersonnels comme un exercice de domination, vous n’avez pas besoin d’un remix mais d’un entretien avec vos RH.

« Je vois tout à fait et je suis désormais convaincu·e que le Biblioremix, c’est clairement ce qu’il me faut, parce que comme disent mes collègues Québecquois·e·s, j’ai envie de mettre plein de capacitation et d’empouvoirement dans ma vie. Mais ça va ressembler à quoi au juste, cette journée ? »

Eh bien ravi de voir que tu as tenu jusqu’ici et que tu es curieux·se malgré l’énormité du pavé que tu es en train de t’infliger. Nous aborderons en détail la question du comment dans une autre partie, mais nous allons ici en tirer un portrait rapide pour avoir tout de même idée d’à quoi ça ressemble vraiment une journée de Biblioremix.

On devine derrière la mosaïque de post-it – Promis, on n’a pas d’action chez eux.

Mais à quoi ça ressemble au juste, un Biblioremix ?

Tout d’abord, la question du temps. On peut envisager de remixer d’une demi-journée à deux jours, si possible d’affilée. Évidemment, plus nous disposons de temps, plus les projets sont aboutis, mais il faut aussi prendre en compte les besoins des publics. Nos usagers ne peuvent pas forcément se rendre disponibles deux jours,  des enfants ne seront pas forcément attentifs plus de 3 heures d’affilée, etc.

De fait, il y a une grande liberté sur ces questions, et il est important d’adapter le temps de remix au besoin et au public.

Ensuite, une vingtaine de Remixeurs·euses est idéal pour commencer – Et permettra d’éviter de multiplier les sous-groupes ad nauseam. On essayera d’avoir 3 facilitateurs·rices – on s’arrêtera dans les billets suivants sur leurs rôles – pour un groupe de 20 personnes si on débute. On composera ce groupe en visant autant que possible un tiers de collègues, un tiers d’usager·e·s / partenaires et un tiers de bidouilleurs·ses, à savoir des gens qui amènent des compétences spécifiques – Élèves en école d’architecture, de design, de graphisme, par exemple. On peut bien sûr adapter les dosages, voir, si c’est trop complexe, remixer uniquement entre collègues quitte à y perdre en richesse.

Pour un Biblioremix « typique » de 20 personnes sur une seule journée, nous commencerons par produire des idées, grâce à des outils comme le brainstorm, où nous sacrifierons de nombreux post-it, dans joie et la bonne humeur.  Ces idées nous permettront de dégager des thématiques, qui feront l’objet d’un vote par les participants afin de créer des groupes de travail.

Une fois constitués, ces groupes alterneront entre des phases d’exploration, où nous nous obligerons à nous mettre le moins de barrières et de contraintes possible, puis des phases de définition, où, grâce à un canevas de questions spécifiques, nous utiliserons ce grand magma d’idées pour le faire « rentrer dans le réel de la bibliothèque ». Enfin, nous finirons fréquemment la journée par une phase de prototypage, où nous essayerons de donner vie au projet, grâce à des maquettes, des cartes mentales, etc.

Voici pour la version très rapide. Si vous êtes curieux de savoir plus en détail comment cela se passe, nous en parlerons dans le troisième article : « Le comment, première partie, l’exploration », et pour ceux qui ont envie de suivre ce feuilleton en s’arrêtant sur les concepts qui sous-tendent l’idée du Biblioremix, je vous retrouve dans le deuxième article « Le Biblioremix, les sujets qui fâchent »

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