Alors pour mon premier (vrai) article en tant que canard sauvage, je vais vous parler d’un chouette projet mené récemment à la bibliothèque Italie (Twitter : Italiebib) avec quatre classes de 6ème du collège Moulin des Prés dans le 13ème arrondissement.
Il était une fois, une merveilleuse documentaliste et une prof d’histoire-géo qui ont eu une idée géniale : parler des stéréotypes sexistes et de la représentation du féminin/masculin/autre dans la littérature jeunesse.
Chouette initiative hein ? Surtout quand celle-ci vient, en vrai, de l’inquiétude de parents d’élèves ayant entendu des réflexions sexistes et arriérées dans la cour de récré…
Ainsi, ces deux professionnelles se sont dit qu’elles pouvaient monter un projet dans le cadre du cours d’éducation civique qui aborderait ces questions de manière ludique et participative.
Et vous le voyez venir : QUI DE MIEUX que des bibliothécaires Jeunesse passionné.e.s par la question pour participer et co-diriger le projet ??
Et c’est comme ça qu’après quelques réunions, un été studieux (et pas mal de tasses de café serré pour moi) nous avons trouvé notre formule idéale : quatre séances de deux heures divisées en plusieurs parties :
Après avoir commencé par une mini présentation de l’espace et des modalités d’accueil, on se lance et on attaque par des interrogations de base pour introduire le sujet du genre : qu’est-ce-qu’un stéréotype ? En connaissez-vous certains ? …
Ensuite THE QUESTION : Qu’est-ce-que la littérature a à voir dans le débat ??
Nous leur avons expliqué que les albums sont lus dès la petite enfance et qu’ils influencent donc très tôt l’image que l’on a des garçons/filles, de même que les autres types d’histoires (BD, romans…) qui reflètent souvent la réalité de la société et du conditionnement de ses citoyens.
Cependant (au risque d’en étonner certains) personne n’est parfait et certains documents aux propos discutables, malgré tous nos efforts, se retrouvent néanmoins dans nos rayons…. D’où l’importance d’expliquer le rôle des bibliothécaires dans le choix des livres (nous faisons attention à ces critères dans nos acquisitions mais ce qui existe n’est pas toujours parfait !…).
Dans tous les cas, on s’est beaucoup appuyé sur leurs réactions pour orienter le débat. Les discussions étaient animées et pleines de questions pertinentes !!
Ensuite on passe aux choses sérieuses, le moment ludico-rigolo : la CHASSE AUX LIVRES !
En binômes, les loupiots sont chargés pendant un petit quart d’heure de chercher des livres dans la section jeunesse, tous types confondus, qui leur paraissent genrés.
Trois par groupes :
- un «pour filles »
- un « pour garçons »
- un « neutre/autre » à déposer sur une table.
(Bon, au préalable on leur a tendu des perches hein, en mettant en présentation des bouquins qu’on connaît pour pouvoir les commenter un peu plus et aborder certains sujets primordiaux).
Ensuite c’est le débrief : rassemblement des livres qui se ressemblent en s’interrogeant : Pourquoi ce livre apparaît plus pour les filles/les garçons/neutre/autre ?
Et cela nous permet d’aborder SUUUUUBTILEMENT la notion de marketing et de stratégies de vente (les couvertures archi trompeuses par exemple) et de dire que les auteur.e.s ne visent pas forcément un public en particulier à la base.
Du coup, en les faisant participer on a pu rebondir sur leurs choix et aborder les questions liées au genre comme le conditionnement « filles/garçons » de tel ou tel domaine (couleurs, vêtements, activités, orientation scolaire, métiers, représentations dans la publicité…) et d’adapter les sujets en fonction de leurs réactions et de leurs (nombreuses) questions.
Alors évidemment, nous avions choisi des exemples (et des contre-exemples) à leur montrer qui illustrent ces différences, et nous leur avons filé une belle bibliographie (non-exhaustive !!) qui parlent de ces sujets.
Par exemple, nous avons brandi le documentaire des 100 personnages qui ont changé le monde où sont représentés 82 hommes contre 18 femmes en expliquant que nous favorisons des livres comme Ils/Elles ont changé le monde, et d’autres plus inclusifs...
Petite précision importante aussi suite à une interrogation soulevée plusieurs fois par les participants : Pourquoi choisir d’acquérir des livres qui parlent UNIQUEMENT des filles/femmes si c’est la parité que l’on recherche ?
Et bien tout simplement parce que celles-ci ont été TELLEMENT peu visibles et oubliées pendant très longtemps (scientifiques, dessinatrices, autrices…) qu’il paraît aujourd’hui normal de leur consacrer des ouvrages pour rétablir l’égalité !
Histoire d’en rajouter une petite couche, on a étendu le propos aux stéréotypes physiques et on a pu présenter des comics avec des personnages qui nous ressemblent comme Faith et Miss Marvel (GROS succès de Kamala Khan) !
Nous en avons aussi profité pour parler succinctement des personnes transgenres, intersexes et de la non-binarité en général, en leur donnant des ouvrages où des protagonistes sont issus de la communauté LGBTQI+.
Voilà en gros le travail que nous avons voulu présenter. Être un consommateur réfléchi et acteur du changement ça passe par des détails comme la grammaire, un sens de l’observation et un regard critique à aiguiser au fil des années.
Évidemment, chacun de nous a des préjugés qu’il applique dans son quotidien hein ! En toute bienveillance, il est important de garder sa conscience éveillée comme une petite « ampoule » qui clignote à la vue d’un jouet bleu par exemple ou d’une couverture dite « girly » pour passer outre.
Le bilan fut évidemment très positif ! Les enfants sont très sensibles à la question. Beaucoup d’interrogations pertinentes ont surgi, et ils nous ont étonné·e·s par leur connaissance de références pointues, par leur gentillesse et leur curiosité.
Ce qui est sûr, c’est que le sujet leur parle et que la relève est assurée !!!!
Louise et les canards sauvages 
2 réflexions sur “La représentation des genres et des stéréotypes sexistes dans la littérature jeunesse vue par les collégiens”