L’écrivain·e : personnage principal de la rentrée littéraire ?

Tous les ans, je cherche les thèmes qui agitent la rentrée littéraire… car souvent plusieurs romans abordent des thématiques communes, évidemment sous différents angles. L’année dernière la crise écologique avait surgi dans mes lectures ; cette année, sans être la thématique principale, la figure de l’écrivain•e me semble tenir une bonne place.

Je vais commencer par un de mes réels coups de cœur de cette rentrée : le roman de Kaouther Adimi « Au vent mauvais ». Je l’avais découverte avec « Nos richesses », « Au vent mauvais » était sur le haut de ma pile.

L’histoire commence dans une librairie, lors d’une rencontre avec un auteur. Dans son roman, il nous raconte l’histoire de Leïla et Tarek, dans un village d’Algérie au début du 20e siècle. C’est cette histoire dans laquelle nous sommes embarquées : une fresque qui raconte la colonisation, la guerre, l’exil, mais aussi de manière plus intime, l’amour, la famille, l’amitié, la colère, les regrets … L’auteur n’est pas à proprement parlé le personnage principal mais son rôle a de l’importance dans l’histoire de Leïla et Tarek et pose la question de la véracité dans le roman, de la part de l’inventé et du réel dans toute histoire.

Cela en étonnera certain•e•s mais je vais mettre en parallèle les 2 romans suivants ; celui de Virginie Despentes et celui de Sally Rooney.

L’une est française, a grandi dans les années 70 ; l’autre est irlandaise et a grandi dans les années 2000. Toutes 2 parlent de notre époque, des questionnements qui surgissent, de la dépression, du confinement de 2020, des réseaux sociaux, de l’addiction. Toutes 2 ont choisi d’utiliser la correspondance comme forme littéraire et d’introduire l’une un auteur banni, l’autre une autrice à succès. Ces romans que l’on pourrait qualifier de chroniques sociales font sourire, grincer des dents, réfléchir, d’appréhender le monde d’un autre point de vue quelque soit la génération dont nous sommes issu•es. Et il est toujours un moment où l’on veut prendre son stylo pour noter/surligner/souligner un passage, une phrase bien sentie.

En fait, mon problème, c’est que tout le monde m’énerve parce que personne n’a les réponses et que, moi non plus, je n’en ai aucune. Et qui suis-je pour demander aux autres de faire preuve d’humilité et d’un minimum d’ouverture d’esprit ? Qu’est-ce que j’ai déjà donné à ce monde pour en exiger autant en échange ? Je pourrais me transformer en tas de poussière, tout le monde s’en foutrait, et c’est très bien comme ça.

Sally Rooney, Où es-tu monde admirable ?

Dans le récit que Lola Lafon propose dans la collection « Ma nuit au musée », « Quand tu écouteras cette chanson », elle rappelle qu’Anne Frank est avant tout écrivaine et pas seulement une adolescente écrivant son journal intime (que beaucoup d’entre nous ont sûrement eu entre les mains au collège) alors qu’elle se cache avec sa famille dans une maison d’Amsterdam, devenue aujourd’hui musée.

Cette nuit passée au Musée Anne Frank, dans l’Annexe, est l’occasion, pour Lola Lafon de revenir sur la figure de la « jeune fille juive la plus connue et admirée au monde », sur l’histoire de la Shoah, sur sa propre histoire et sur son rapport à l’écriture. Elle nous livre un récit poignant, délicat, intime, universel et nécessaire et me laisse à penser que je suis passée à côté du « Journal » quand je l’ai lu en 4ème, peut-être devrais-je le relire.

Ecrire n’est pas tout à fait un choix : c’est un aveu d’impuissance. On écrit parce qu’on ne sait pas par quel autre biais attraper le réel. Vivre, sans l’écriture, me va mal, comme un habit trop lâche dans lequel je m’empêtre. Il faut parfois rétrécir l’espace pour en entendre l’écho.

Pour finir, l’essai d’Alice Zeniter « Toute une moitié du monde » interroge le rôle de la littérature du point de vue de la lectrice et de l’autrice qu’elle est. Avec beaucoup d’humour et d’érudition (dont elle nous avait déjà donné un avant goût dans « Je suis une fille sans histoire »), Alice Zeniter navigue dans l’intrigue, parmi les personnages, moque les « Vrais Mecs de la Littérature » et cite Toni Morrison, Edouard Glissant ou Joan Didion pour illustrer son propos. Comme après chaque lecture d’Alice Zeniter on se sent plus intelligent•e, plus armé•e et avide d’autres lectures !

Ce que je cherche, sans doute, depuis le début, en tant que lectrice et en tant qu’écrivaine, ce sont des récits qui me permettent d’entrer en relation avec des êtres qui me sont inconnus et me deviendront proches, tout comme des récits qui leur permettent – à l’intérieur de la fiction – des relations riches, complexes et fragiles.

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