Profession : bibliothécaire – Églantine, un métier atypique en bibliothèque

Les traditionnels travaux d’été en bibliothèque sont souvent l’occasion de rencontrer et d’accueillir de nouveaux collègues, venus en « renfort » dans les équipes des bibliothèques ouvertes. Et l’été dernier, on a eu la chance d’accueillir plusieurs collègues de différentes bibliothèques, et notamment Églantine.

Églantine travaille à Paris, dans une petite bibliothèque de quartier, et la spécificité de son poste, c’est qu’elle travaille essentiellement en direction des publics éloignés, avec un axe très fort autour de l’accompagnement des usager.e.s qui souhaitent apprendre le français. De fait, le quotidien d’Églantine ne ressemble pas tout à fait à un planning classique de bibliothécaire !

Bonjour Églantine ! Tu participes à notre série de portraits de bibliothécaires : peux-tu nous dire où tu travailles aujourd’hui, et avec qui ?
Je travaille dans une bibliothèque de la ville de Paris, dans une équipe très sympa, et je suis arrivée dans cette bibliothèque il y a 4 ans et demi. Pour parler « fiche de poste », une grosse partie de mes missions concerne l’accueil des publics non francophones : c’est-à-dire un travail très tourné vers le public, et vers un public qui apprend le français. (Et c’est ce que j’apprécie tant dans mon poste). Cela consiste à accompagner ces personnes dans l’accès à la bibliothèque et dans leur apprentissage du français.

Peux-tu nous décrire ta journée-type ?
Deux matinées par semaine, je donne des cours de français à un groupe d’étudiants : donc si c’est une journée avec cours, ça sera une journée « speed », parce que nous faisons aussi des accueils de classe, ce qui va supposer que je déplace des tables et des chaises pour libérer l’espace. Cette année, on accueillait trois groupes de niveaux. Je prépare du thé, des petits gâteaux, parce qu’une partie des personnes que j’aide dans ce cours dorment dehors; certains arrivent sans avoir rien manger. Et aussi, parce que c’est plus convivial de commencer un cours avec du thé !
En général, j’essaie d’avoir préparé mon cours la veille, mais il y a assez longtemps que je fais ça, alors parfois c’est improvisé, et la plupart du temps, j’ai toujours des fiches prêtes : c’est l’avantage d’être rodée. Mais au début, j’étais comme un professeur : la veille, je préparais mes cours, mes fiches, avec l’objectif de la séance, les différentes parties entre révisions du cours précédent, de petits dialogues, (nous travaillons beaucoup de dialogues de la vie quotidienne), et souvent, une partie phonétique, parce que la prononciation française, parfois, ce n’est pas piqué des hannetons !

Et si je n’ai pas cours, je retrouve des tâches classiques de bibliothécaire, comme procéder au rangement des livres, faire de la veille pour la littérature adressée aux adultes, je participe aux achats des bandes dessinées, et aux documentaires pour les adultes. Je fais aussi de l’équipement de livres…

Une partie de mon travail consiste aussi à faire de la veille pour les personnes qui sont réfugiées, et donc demandeuses d’asile : du jour au lendemain, l’espace où j’accueille ces garçons (parce que ce sont surtout des garçons) peut être complètement vide, parce que durant la nuit, un camp aura été évacué … Ou alors, c’est la météo : s’il pleut, on va avoir beaucoup plus de monde parce que les gens viendront se mettre à l’abri !

Je fais aussi de la veille sur l’évolution des procédures : par exemple, les procédures de demande d’asile sont longues à se mettre en place. Quand on sait qu’il y a une « nouveauté » qui va se mettre en place, ça peut changer ma manière de travailler, donc je fais beaucoup de recherches sur Internet pour me tenir informée.

Qu’est-ce que tu préfères dans ton métier ?
La plus grosse partie de mon travail, c’est d’être sympa avec les gens ! Faire en sorte que les gens soient bien accueillis, soient contents de venir et revenir, c’est vraiment ce que je trouve le plus gratifiant. Par exemple, dans la bibliothèque où je travaille, il n’y a pas d’automates de prêts et retours, donc je fais du prêt-retour : je trouve ça toujours sympa de parler avec les gens de ce qu’ils lisent, de demander aux enfants comment ils vont et comment ça se passe à l’école… Pour les garçons qui viennent sur la mezzanine, c’est échanger des nouvelles, ont-ils trouvé un hébergement ? Ont-ils eu une réponse positive à l’OFPRA ?

Chaque journée est différente, mais je suis en poste au même endroit de 15 à 17h, ce qui veut dire qu’on peut venir facilement me poser des questions, m’identifier en cas de demandes spécifiques. Je me suis formée petit à petit en 4 ans, et ça suppose que je connaisse bien mon quartier aussi : tous les bains-douches municipaux ne proposent pas forcément une serviette et du savon, par exemple ! Je suis aussi au courant des cours de français qui sont complets, des cours de français où il y a encore de la place, est-ce qu’il y a une nouvelle session qui ouvre ?, etc. Quelles sont les périodes d’inscriptions pour suivre certaines études ?
En termes d’orientation et de médiation, je cherche toujours à actualiser mes infos; et je sais que ça correspond à un besoin de ce public.

Selon les jours, les humeurs, la situation des personnes en face de moi qui sont parfois dans des situations très difficiles, on ne fait pas de cours de français, mais on joue au Mikado, parce que parfois, ce qu’il faut, c’est se changer les idées !

Qu’est-ce que tes amis / tes connaissances te disent de ton métier qui peut parfois t’agacer ou te faire rire ?
Ils me disent que je ne suis pas une bibliothécaire ! Ça me fait plutôt rire…
Il y a une grande confusion entre l’image figée qu’ils  ont du métier de bibliothécaire et qui ne correspond pas à l’évolution du métier, et ce que je leur décris de mes tâches; ce qui en effet, tient plus de la médiation sociale. Je suis pourtant bibliothécaire, mes tâches sont très liées aux collections, mais en termes d’accueil et de médiation auprès des usagers, on a réfléchi à comment accueillir ce public spécifique. On propose donc un accueil différencié, mais pour que tout le monde puisse faire le même usage de la bibliothèque. Dans les missions de bibliothécaires, il  y a tout ce qui a trait à la culture, mais aussi à la formation, à l’information et aux loisirs.

Ce que tu ne considères pas du tout vrai sur le métier mais qu’on te dit souvent ?
L’image d’un métier « ennuyeux » revient de temps en temps, et pourtant, c’est le métier dans lequel je m’ennuie le moins ! Pour peu qu’on ait des idées, qu’il y ait une dynamique d’équipe qui fonctionne bien, un bon contact avec les usagers, il y a toujours beaucoup de choses à faire.

Si tu devais travailler dans ta bibliothèque idéale, à quoi ressemblerait-elle ?
Ça dépendrait d’où est implantée cette bibliothèque ! Je vais faire deux propositions :
Si j’avais tous les moyens à ma portée dans la bibliothèque où je travaille actuellement, je recruterai des médiateurs qui parlent les langues des personnes accueillies : pour les demandeurs d’asile, il y a plus de 300 langues différentes parlées rien qu’au Soudan, par exemple; mais aussi pour toutes les familles du quartier qui sont parfois originaires de plein de pays différents. Ce serait intéressant d’avoir cette facilité de communication, mais on se rend compte de plus en plus que les besoins en écrivains publics, en avocats, en juristes, c’est aussi important.
Si ça devait être une bibliothèque qui sorte de terre, je serai assez tentée de la mettre dans un paysage un peu plus naturel, avec beaucoup plus de plantes. Et il y aurait des chats !

Si tu n’étais pas bibliothécaire, quel métier aurais-tu aimé faire ?
J’ai eu un aperçu de plusieurs métiers, mais si je devais me reconvertir, ce serait professeur de français langue étrangère.

Je pourrais aussi redevenir monitrice de poney, c’était un métier assez sympa !

Lego ou Playmobil ?
C’est dur, comme question ! Petite, j’ai plutôt joué aux Playmobil, mais à l’heure actuelle, plutôt Lego.

Raclette ou Tartiflette ?
Raclette !

William ou Harry?
Harry ! Parce que j’ai connu un cheval qui s’appelait Harry !

Merci Églantine !

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