Le Pride-Flag à Louise Michel – Une histoire d’équilibre

Trouver l’équilibre de la visibilité, entre valorisation et stigmatisation

Tout a commencé, comme beaucoup de choses commencent à Louise Michel, grâce aux enfants de la bibliothèque. Pendant un club de lecture (qui, information essentielle, s’appelle le Goûter des Pingouins Grouillants), nous leur avons présenté George d’Alex Gino (réédité sous le titre « Melissa » aux États-Unis), qui raconte l’histoire d’une petite fille trans qui rêve de pouvoir jouer le rôle principal de la pièce de théâtre de sa classe afin de faire savoir qui elle est à ses ami·e·s et sa famille. S’en est suivie une incroyable discussion, mais également des mois de questions de ces enfants qui voulaient absolument d’autres titres avec des personnages lgbtqia+. Mission médiation accomplie !

Le livre par lequel tout est arrivé

Sur cette bonne lancée, nous avons donc décidé de travailler sur l’accueil des personnes queer et de mettre en valeur les romans jeunesse, ado, et young adult avec des personnages lgbtqia+. Mais comment ?

Même si on crée les meilleurs liens du monde avec les jeunes de la bibliothèque, il y en aura toujours qui ne seront pas à l’aise pour nous demander des romans traitant d’homosexualité ou de genre. Il faut donc qu’ils puissent les trouver par eux-mêmes.

Et de nos jours, comment les jeunes retrouvent-ils les romans qu’ils recherchent, sur des thèmes particuliers ? De mon temps, il fallait demander à la sorcière du village qui possédait la Connaissance, mais aujourd’hui, il semblerait que ce soit sur tiktok (source : Nada, 10 ans). Mais peut-être vont-ils sur les catalogues de bibliothèques ! Seulement parfois, sûrement par manque de connaissances ou de formation des agent·e·s sur le sujet, les thèmes ne correspondent pas vraiment (notre « George » de tout à l’heure se retrouve en sexualité et homosexualité. Ce qui. Non.) Donc il fallait faire quelque chose de notre côté. Une bibliographie, c’est sympa, mais demanderait un travail de mise à jour beaucoup trop chronophage. Donc oui, mais pas pérenne, comme solution. Même chose pour une table thématique. Et une étagère arc-en-ciel serait peut-être trop impressionnante pour des jeunes en questionnement.

Nous avons donc opté pour la solution petits logos pride flags sur le dos des livres. Maintenant, on ne va pas se mentir, tout ça se passait en 2018, ça concernait en tout une vingtaine de bouquins. C’est mieux aujourd’hui (pas suffisant, mais mieux !). Et c’est bien là une des conséquences les plus jouissives de cette histoire : voir, au fil des années, le nombre de ces pride flags augmenter toujours plus, de voir aussi la diversité à l’intérieur de la communauté – de personnages majoritairement hommes blancs cis gays, on voit aujourd’hui des lesbiennes, des personnages non binaires, bi, trans, intersexes, racisés, en situation de handicap, asexuels !!!

De plus, ce petit logo (vraiment, il était mini) était évidemment aussi un signe en direction des publics lgbtqia+. Aujourd’hui encore, ce n’est pas une évidence pour les personnes queer de savoir si un lieu les accueillera de manière bienveillante ou pas. Il était donc important pour nous de visibiliser la volonté d’inclusivité de la bibliothèque, sans en faire des tonnes, puisque l’anonymat est également un besoin légitime.

Tout ceci a entraîné une réflexion globale à la bibliothèque, des collections à la signalétique, de la médiation à l’action culturelle, avec en apothéose, évidemment, les histoires dénonçant les stéréotypes de genre racontées aux enfants par les drag queens du collectif Paillettes…

Mars 2018, première venue des Paillettes

Un régal pour les enfants et les moins enfants !

À partir de là, effet boule de neige : nous avons été de plus en plus sollicités pour organiser des évènements autour de ces sujets (un bingo de la diversité pour présenter des romans jeunesse avec des personnages lgbtqia+ animé par un drag king, une conférence sur l’homophobie dans le rap, la venue de l’auteur de la BD Reconnaitrans, Laurier the Fox…), de nombreux appels de collègues ou de futures stagiaires qui préparent des mémoires sur ces sujets en bibliothèque… Nous espérons être aujourd’hui identifié comme une bibliothèque qui se positionne sur le sujet de la sexualité et du genre.

Et le logo pride flag dans tout ça ?

Dès le départ, nous avions bien réalisé que ce n’était pas parfait : un usager militant d’Act Up nous a fait remarquer que c’était un peu stigmatisant (en comprenant la difficulté de valoriser sans stigmatiser), mais surtout, que ça pouvait être dangereux pour des enfants qui choisiraient des livres avec un pride flag dans un entourage familial ou amical homophobe ou transphobe. Le logo pouvait facilement être retiré, mais cela restait un risque. Alors nous avons fait machine arrière.

Nous pensons le remplacer par un QR code avec un lien pour un site qui identifierait les différentes représentations, les thèmes abordés, les trigger warnings… Un travail de titan, mais on peut toujours rêver !

Le reste ne change pas : nous prêtons toujours une attention particulière à la représentation de la diversité dans notre action culturelle, notre communication, … qui s’inscrit dans notre volonté de toujours nous améliorer dans la dénonciation de toutes les formes de discriminations.

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